Julie - Julie - Julie -Julie - Julie

Témoignage par Nathalie, sa maman :

« Ma fille, Julie, est née le 20 juillet 1993. Son père et moi avons divorcé alors qu’elle avait 5 ans. Il s’est remarié et moi je vis maritalement. J’ai également un fils, Julien né en 1989 d’un premier mariage. Voilà pour ma situation familiale.
Je me rappelle que lorsque Julie avait 12 ans, ma mère lui reprochait sa fatigue et sa nonchalance. Avec le recul, je me dis qu’il s’agissait peut-être des premiers symptômes de la maladie.
Julie a 14 ans lorsqu’elle fait sa première crise d’épilepsie (diagnostic d’épilepsie myoclonique juvénile). C’était en août 2007. Un traitement antiépileptique est prescrit. L’été se passe en partie chez ma sœur qui habite Cannes. Julie est accompagnée d’une amie et profite à fond de ses vacances s’adonnant sans restriction aux loisirs du bord de mer, notamment le jet-ski. Isabelle, ma sœur, se souvient lui être venue en aide en la voyant s’évertuer à nouer le haut de son maillot de bain, gênée par un tremblement de ses membres supérieurs…
Dès la rentrée scolaire, Julie s’est très vite sentie extrêmement fatiguée, s’endormant sur le canapé juste après son réveil, à la pause de midi, au retour de l’école… J’ai remarqué alors quelques myoclonies mais je ne connaissais pas leur signification. Julie étant encore autonome, les blessures dues aux crises d’épilepsie se sont répétées et m’ont conduit à l’hospitaliser. Les examens ont alors commencé (prises de sang, EEG, ponction lombaire, IRM…). En mars 2008, les médecins, après analyses moléculaires, ont diagnostiqué la maladie de Lafora. Le ciel m’est tombé sur la tête, sur celle de son père et de tout l’entourage familial, mais ayant décidé que Julie ignorerait sa maladie (confortée par l’approche qu’elle en a, ne se posant pas LA question) ; pour elle, je me suis relevée. Dès avril 2008, il s’est avéré que Julie ne devait plus rester seule, j’ai arrêté de travailler.
C’est difficile de parler de l’évolution de la maladie, qui, chez Julie semble se faire, aux dires des spécialistes, rapidement. Très vite, elle a beaucoup de mal à s’exprimer, cherchant, sans perdre patience, sans révolte, ses mots (et cela est vrai pour tous ses symptômes invalidants). Très vite, elle a perdu la faculté de lire et d’écrire. Tout en gardant l’appétit, le fait de tenir ses couverts est devenu trop difficile et tout aussi docilement, elle m’a laissée la nourrir. Il ne me semble pas qu’elle se rende compte de son état réel, mais au début ses meilleures amies lui ont manqué et encore maintenant elle tente de les joindre par téléphone (y parvient de temps en temps !). Son besoin d’affection s’est décuplé et elle n’est absolument en rien dépressive et ses éclats de rire font chaud au cœur ; son sens de l’humour et de nombreuses scènes de rire et clowneries émaillent nos journées. Son univers s’est, il est vrai, infantilisé.
A ce jour, Julie ne marche plus, si ce n’est soutenue pour aller de sa chambre au salon, du salon aux toilettes (où nous passons de longues, très longues minutes avant que sa vessie veuille bien « obéir » à son cerveau !) ; mais Julie refuse catégoriquement le fauteuil roulant, qui, bien qu’utilisé cet été, ne doit pas entrer dans son champs de vision…
Une journée type en ce mois de novembre 2008 : Réveil et petit-déjeuner au lit avec prise quelque fois laborieuse des médicaments qui séjournent de longues minutes dans sa bouche, avant l’arrivée de l’aide-soignante qui procède alors à sa toilette. Sans cet impératif de venue de l’aide-soignante, le week-end par exemple, Julie une fois ses médicaments avalés peut se rendormir jusqu’en début d’après-midi. A son réveil, Julie est alors installée sur le divan devant la télé et nous nous occupons par des soins esthétiques qu’elle apprécie beaucoup (brushing, soins divers, maquillage…). Je prends un soin particulier à ce qu’elle soit belle, et elle l’est !!! Après le repas une sieste s’impose, au lit, et après une émission télé qu’il ne faut absolument pas rater, Julie dîne et nous la remontons dans sa chambre où un lien téléphonique s’est instauré, à trois, avec sa tante de Cannes et moi-même avant la nuit…
Julie a gardé un caractère bien trempé et ne se laisse absolument pas imposer ce qui lui déplaît et gare aux « têtes » qui ne lui reviennent pas : elle ne prend plus de « pincettes » pour exprimer, quelque fois clairement, un Non tonitruant ou lancer un regard bien expressif…
Je vis entièrement à son rythme, de ma propre initiative, mais aussi à sa demande. Si je gère mon intérieur au gré de la journée, toutes les tâches extérieures sont dévouées à mon conjoint ou programmées lorsque le papa de Julie la prend en charge. A ce jour, l’état de santé de Julie, à son réveil, régente l’organisation de nos journées à toutes les deux. Il y a des jours où les myoclonies se comptent sur les doigts de la main, et d’autres où elles ne lui laissent aucun répit. Sa maladie est devenue le centre de nos vies. »
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Julie, atteinte de la maladie de Lafora, avec son frère

Suite du témoignage reçue en juin 2009 :

« Quelques mois ont passé, nous étions en novembre lors du dernier témoignage, et à ce jour, juin est entamé. La maladie n’a pas laissé de répit à Julie et a continué à progresser, toujours aussi rapidement.
Julie ne marche plus du tout, même soutenue par nos soins. Nous utilisons une planche de transfert pour la déplacer du lit à son fauteuil (type fauteuil de relaxation), qui a l’avantage de la caler et de lui permettre quand son état le permet, une position semi-allongée, dans la journée. Son lit a été remplacé par un lit médicalisé, son matelas par un matelas anti-escarres. Deux aides-soignantes la prennent en charge pour son lever et sa toilette (la charge étant devenue trop lourde pour une seule personne).
Julie est maintenant totalement incontinente, ce qui me conduit à la changer plusieurs fois dans la journée, afin de lui apporter tout le confort qu’elle demande et empêcher du mieux que je le peux les irritations diverses, et il en est de même en faisant la chasse aux phlyctènes.
Il lui est très difficile de s’exprimer, oralement ou par gestes, et pourtant ce n’est pas le désir qui lui en manque. Malgré tout, elle formule sa pensée par un mot ou une toute petite phrase, mais rarement.
En ce qui concerne l’alimentation et la prise de ses médicaments, après avoir essayé le plus longtemps possible la voie orale, par gavage à l’aide de seringues, mais devant le risque grandissant de fausse-route, Julie ne parvenant plus à déglutir, nous nous sommes résolus à lui mettre une sonde naso-gastrique. Elle n’a pas supporté cette dernière, tant physiquement que psychologiquement, et depuis un mois elle est porteuse d’une gastrostomie. Ce geste nous permet de gérer à nouveau correctement cette alimentation qui était devenue chaotique et facilite la prise régulière du traitement. Son traitement qui comprenait trois antiépileptiques, s’est vu compléter d’un quatrième et d’un antidépresseur, car Julie présente de temps en temps des crises d’angoisse qu’il faut parfois « tempérer » par adjonction de Valium.
En fait, il n’y pas de journée type. L’état de santé de Julie est imprévisible et peut varier d’une heure à l’autre, avec des moments calmes où elle dirige son regard vers des photos ou dans le vide, avec des périodes plus agitées où des pics de fièvre s’installent inexplicablement, où des myoclonies, parfois très violentes se succèdent, mais également des épisodes assimilés à un quasi état de mal épileptique que nous arrivons plus ou moins à juguler par l’administration de Valium. Il lui est arrivé également de « dormir » pendant des périodes excédant 72 heures.
Malgré tout cela, Julie nous sourit toujours… Des visites soulagent mon quotidien ; son père la prend également en charge ; l’équipe des infirmiers qui revêt une importance primordiale tant matérielle que psychologique, est très présente et je leur en suis reconnaissante !, sans oublier l’aide précieuse des aides-soignantes qui me soustraient à des actes quotidiens et me permettent de conserver une relation optimum avec Julie. »
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Julie, une malade aujourd'hui disparue, avec sa maman

Suite reçue le 30 juin 2009 :

« Le 20 juillet, tu aurais eu 16 ans Julie, mais ce 30 juin à 9 heures 44 tu t’es endormie pour toujours…l’état de mal s’était emparé de toi. Tu es dans nos cœurs, nous qui t’avons côtoyée, qui avons rigolé avec toi. Cette vie que tu n’as pas eu le temps d’avoir, on va la vivre pour toi, avec toi, et sûrement, on va y croire, l’un après l’autre, on te retrouvera. On t’aime Julie. »